Forum de prévention des addictions

… »Environ cinq cent mille personnes en France, essentiellement des jeunes de 14 à 17 ans, seraient « accros » aux jeux vidéo, et à Internet. »…

Ce forum marque le point de départ, le point d’origine d’un ensemble d’actions de notre ville, en faveur de la prévention des addictions. J’ai toujours considéré que les collectivités territoriales ont un rôle important à jouer, grâce à nos politiques de proximité, et à notre connaissance du terrain sociologique. C’est la raison pour laquelle j’ai choisi d’inscrire au plan de mandat 2014-2020, cette action innovante et inédite, au niveau national, de lutte contre toutes les formes d’addiction, que peuvent rencontrer les jeunes générations.

Il ne s’agit pas de mordre sur les compétences régaliennes de l’Etat en la matière, mais de venir en appui et en complément, dans le cadre de dispositifs et de politiques de proximité, favorisant la prévention des addictions.

Un petit rappel au sujet de la genèse de ce projet : portée au départ par la direction unique prévention sécurité, nous l’avons étendue à la direction de la santé et de l’hygiène publiques, à la croisée, en somme, des thématiques de la santé, de l’éducation, de la parentalité, de la prévention et de la tranquillité publique. Un travail a été mené avec les addictologues hospitaliers, de l’Agence Régionale de Santé, pour définir une classe prioritaire, à savoir les élèves scolarisés en 4ème.

Par son ampleur et son ambition, le plan de prévention des addictions a été reconnu par la Mission Interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives.

Enfin, je ne saurais oublier tous les partenaires et associations (la préfecture du Rhône, les collèges, Vie libre, la Ligue contre le cancer, la Macif, l’Association santé de la famille, le BIJ, le Point Accueil Ecoute Jeune, l’asso Stop Chut…)

A quoi sommes-nous confrontés ? Non pas à une addiction de la jeunesse, mais à plusieurs. A une exposition, de plus en plus précoce et de plus en plus forte, à des dépendances de toutes sortes. A des effets négatifs, en termes de scolarisation, au sein des familles, mais aussi dans l’espace public, que ce soit sur la route ou à travers la consommation et la vente de substances illicites.

On aurait tort de croire que ces comportements sont conjoncturels, ils se sont diffusés, et en quelque sorte banalisés. L’âge moyen de la première consommation de cannabis est de 15 ans, celui auquel les jeunes consomment de l’alcool pour la première fois est de 13 ans, le premier film pornographique est visionné à 12 ans, et c’est à l’âge de 11 ans, que les jeunes se dotent, statistiquement, de leur premier Smartphone. Au sujet des drogues légales (tabac, alcool) ou illégales, on connaît les mécanismes qui se mettent en œuvre.

Goûter, essayer, braver l’interdit, agir comme les autres, faire partie, en quelque sorte, de la fratrie. Banalisés par le phénomène de groupe et la pression sociale, favorisés par l’effacement des valeurs et la contestation de l’autorité, ces comportements addictifs entraînent parfois de lourdes conséquences, pour les jeunes et leur entourage. Les consommations de stupéfiants et d’alcool, constituent une cause majeure de violences intrafamiliales, d’accidents de la route, et de délinquance. Au premier temps de l’évitement, où l’adolescent ne dit pas tout, et ne veut pas être source de conflit, succède l’isolement, première marche vers une désocialisation inquiétante.

De nombreux parents font le même constat, et je pense qu’on peut les croire : ils n’ont pas vu leur enfant s’enfermer dans des addictions, ils n’ont pas trouvé les mots pour faire face à la situation, ils ont été dépassés. Entre omerta et désarroi, des familles se sentent seules, face à des problèmes qu’elles ne parviennent pas à résoudre.

Notre plan d’actions s’adresse aussi à elles, de façon à les informer, à libérer leurs paroles, à en parler, aussi bien avec les adolescents, qu’avec d’autres parents ou des spécialistes. Briser le silence est nécessaire et vital.

La Ville de Vénissieux a d’ailleurs créé, en complément du Point Accueil Ecoute Jeunes, un Point Accueil Ecoute Familles, afin de favoriser un accompagnement psychosocial, de parents désarmés et impuissants.

L’autre défi, qui est déjà là, mais qui risque de prendre une dimension encore plus grande, c’est la société de l’image et de l’instant, dans laquelle nous vivons tous, nos enfants peut-être même plus, que notre génération. Télévision, Internet, réseaux sociaux, jeux vidéo, téléchargements, smartphones : les jeunes entre 8 et 12 ans passent 10 heures par semaine devant les écrans ! Les 13-19 ans y passent 30 heures par semaine.

Environ cinq cent mille personnes en France, essentiellement des jeunes de 14 à 17 ans, seraient « accros » aux jeux vidéo, et à Internet. L’utilisation maladroite et naïve des réseaux sociaux par les adolescents, a déjà provoqué des drames : harcèlement sexuel, vie privée déballée aux yeux de tous, poussant de jeunes internautes au suicide. Nous avons franchi très récemment un cap supplémentaire, avec l’application Périscope, qui permet de diffuser de la vidéo en direct aux abonnés. Il y a deux semaines, une jeune femme de19 ans a filmé en direct son suicide, en se jetant sous une rame du RER C, dans l’Essonne.

La question que l’on est en droit de se poser : serait-elle passée à l’acte, sans l’effet de mise en scène que lui permettait cette application de flux vidéo ? Comment contrôler des images choquantes, que chacun peut mettre en ligne, dans les conditions du direct ? Ce n’est pas l’outil en tant que tel qui pose problème, mais bien son utilisation, de même qu’il ne s’agit pas d’interdire des applications, mais de les encadrer, d’en garder le contrôle en amont.

Pour l’instant, ces filtres n’existent pas, notamment pour Périscope. Entre fiction et réalité, la frontière est ténue dans l’esprit des adolescents.

Banalisation de la violence, pornographie omniprésente, qui pose clairement la question de la représentation de la femme chez les jeunes, désinformation et rumeurs, le passage à l’ère numérique doit nous amener à repenser de fond en comble, le rapport à l’image, et à refonder les méthodes pédagogiques destinées aux enfants et adolescents, afin qu’ils puissent décrypter et analyser ce qu’ils voient. Un enseignement de l’image me semble urgent et nécessaire.

Les actions qui vont s’engager tout au long de l’année, dans les collèges de Vénissieux, s’inscrivent dans un temps long. Il y aura des interventions en milieu scolaire, des agents formés à la prévention de la consommation de stupéfiants et d’alcool, seront mis gratuitement à la disposition de la Ville, par le Ministère de l’Intérieur. Nos équipements BIJ, EPJ, Point accueil écoute jeunes seront mobilisés, pour que les jeunes Vénissians deviennent les acteurs de leurs propres projets. Les familles doivent être associées de près, à cette campagne innovante et d’envergure. La force de cette initiative est de fédérer les connaissances des acteurs de terrain et de nos partenaires, de travailler ensemble, d’échanger, de rassembler nos énergies.

Tout ne changera pas du jour au lendemain, mais la prise de conscience que ce forum valide aujourd’hui, pose les fondations d’un chantier long et complexe, un enjeu majeur de santé publique pour la jeunesse, mais aussi de sécurité publique.

Je remercie bien évidemment tous les participants et intervenants, dont Michel Kairo, psycho-addictologue, et vous souhaite un bon après-midi de travail et de sensibilisation.

 

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