Disparition de Marcel Notargiacomo

Marcel Notargiacomo vient de nous quitter. Nous perdons un compagnon de route, un frère de combats, un humaniste au grand cœur et au verbe haut, un ardent défenseur de l’éducation et de la culture populaires.

Fils d’un couple d’immigrés italiens, Marcel a grandi dans le quartier des Poulettes à Villeurbanne, un quartier populaire où il apprit l’humain, dans ses injustices, ses échanges, dans ses épreuves comme dans ses moments de bonheur. Déjà, il choisit d’agir et de dire au travers de la chanson et de l’écriture. Parce qu’il n’est pas question d’oublier le labeur qui apporte le pain sur la table, il est titulaire d’un CAP de carreleur mosaïste.  Puis il prépare et obtient le diplôme d’État à la fonction d’agent de développement, le DEFA, un titre qui forme les futurs responsables d’animations impliqués dans la lutte contre les exclusions et dans le développement local. Certifié de l’institut national de formations d’animateurs de collectivités, diplôme de directeur des maisons des jeunes et de la culture, il mène de front une formation aux pratiques artistiques au Conservatoire d’Art dramatique de Lyon.  Un parcours pluriel, conscient que tous les mondes n’en faisaient qu’un à condition de les relier par une passerelle.

A Vénissieux, depuis son arrivée en novembre 1969, comme agent de développement culturel, Marcel a été le chorégraphe d’un maillage culturel, d’une reconstruction des identités, refusant l’exclusion, le cloisonnement, la résignation et le cynisme, vouant une confiance inébranlable à la jeunesse de nos quartiers. Au sein du Centre de culture ouvrière, à la direction de la Maison des Jeunes et de la Culture, ou en créant le service municipal de la jeunesse, Marcel n’a eu de cesse d’imaginer de nouveaux rapports antre l’art et le social, entre la culture et le quotidien.

Faire de la scène une rue, faire de la rue une scène. Et qu’au-dessus de ces tréteaux improbables circulent la création, l’échange, la parole, les projets éducatifs, l’écriture. En 1984, il réunit tout cela dans la Compagnie Traction Avant, pionnière en Rhône-Alpes. Une compagnie pépinière d’artistes, un espace de dialogues, de confrontations, de croisements d’histoires et de vies, d’imaginaires, de pratiques et d’écritures, le lieu « d’une culture artistique ancrée dans le vivant, le goût de l’autre, la richesse des différences, les valeurs de l’Education populaire. »  Marcel en était toujours le président d’honneur.

Chevalier des arts et des lettres en 1994, Marcel avait reçu les insignes de chevalier de l’ordre national du mérite en 2009, une très belle reconnaissance républicaine infiniment méritée.

Aujourd’hui, Vénissieux perd un compagnon de terres et d’étoiles, pour reprendre le titre d’un magnifique texte qu’il nous avait offert en 2009 en accueillant sa distinction.  Fidèle à sa ville, à ses habitants, à son histoire et celle de Vénissieux, à son héritage fait de luttes et de combats, Marcel avait cette volonté  d’associer toutes les composantes de la société pour créer l’humanité.

« Ensemble, nous avons notamment appris, que c’est avec des gestes sans frontières que le cœur des hommes entre eux bat mieux. »

Au nom de tous celles et ceux qui ont partagé cette aventure de plus de quarante années, je reprends ses mots pour le saluer d’une seule voix.

Ciao l’ami !

 

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