80ème anniversaire de la création de la « Maison du Peuple et de la prévoyance sociale »

La Maison du Peuple, ses 80 ans, c’est notre patrimoine d’esprit, de pierre et de cœur. Un patrimoine d’hier et d’aujourd’hui, réceptacle d’éclats de voix, dont l’identité vénissiane en porte l’écho.

Nous célébrons aujourd’hui l’anniversaire d’un lieu de mémoire, mais une mémoire bien vivante au cœur de l’histoire vénissiane. Non pas le lieu d’une mémoire, mais de toutes les mémoires : mémoire syndicale, mémoire de l’émancipation sociale, mémoire de la culture, mémoire de la création, mémoire, il ne faut pas l’oublier non plus, architecturale.

La Maison du Peuple, ses 80 ans, c’est notre patrimoine d’esprit, de pierre et de cœur. Un patrimoine d’hier et d’aujourd’hui, réceptacle d’éclats de voix, dont l’identité vénissiane en porte l’écho.

Celles des syndicalistes, qui défendent la classe ouvrière, sans droits ni protection, des années 30 ; celle de Louis-Dupic, fondateur ici même de l’Union Local CGT Vénissieux ; celles du milieu associatif, qui anime les lieux dès les premières heures ; celles d’artistes, de comédiens, et celle que l’on n’entend pas, la voix de l’émotion collective, que nos enfants et tout le public du théâtre, partagent aujourd’hui.

J’ai envie de dire, ça en fait des vies pour notre belle octogénaire. Des vies qui ne sont pas discontinues, mais des vies qui s’enchaînent, et qui prolongent, d’une façon ou d’une autre, la précédente.

Mais commençons par son acte de naissance, lorsque que le conseil municipal de Vénissieux, en 1931, adopte le principe de la construction de la Maison du Peuple et de la Prévoyance Sociale. Peuple et Social, il n’est pas innocent de retrouver ces deux mots, dans la dénomination d’origine du bâtiment. Ils sont sa vocation, sa raison d’être, sa nature. La Maison du Peuple va ouvrir ses portes lors de la saison 1934-1935.

Œuvre de l’architecte Weckerlein, le bâtiment est classé au titre des monuments historiques. Son architecture, que l’on peut mettre en parallèle avec l’Ecole Pasteur inscrite, elle aussi, au patrimoine du 20ème siècle, témoigne de l’affirmation de la République laïque, ouverte à tous.

Conçue comme un espace de partage, d’échanges et d’ouverture, la Maison du Peuple disposait d’une salle principale, et de 1 058 fauteuils, d’une buvette, d’une salle de dancing, qui pouvait aussi se transformer, en salle de conférence et d’éducation physique. Le poumon du bâtiment, qui lui donne toute sa force, c’est le lien social.

La Maison du Peuple a pour objectif d’éduquer, d’émanciper et d’éveiller la conscience sociale, culturelle, artistique, d’une population qui, à l’époque, est bien souvent considérée comme une simple main d’œuvre, et non comme une force citoyenne. Ainsi les spectacles de toutes les associations de la commune, seront représentés, et les écoliers, dès le plus jeune âge, pourront assister à des séances de cinéma éducatif.

C’est un lieu de vie unique, où se succèdent des galas populaires, des bals, des AG pour les ouvriers, le combat syndical, et même… des combats de boxe.

Ouvrir l’esprit, c’est aussi prendre conscience de ses droits, de ses devoirs, de son appartenance au monde du travail, et à sa ville. A la Maison du Peuple, c’est le social qui fait l’histoire, et l’histoire qui devient sociale.

Les syndicalistes y ont trouvé un lieu approprié, j’allais dire un refuge, tant la défense des ouvriers, et la revendication de nouveaux droits pour les classes populaires, étaient âpres, tant le rapport de force de l’époque était inégal. Il faut se représenter Vénissieux dans les années 30. L’ère industrielle bat son plein, la main d ‘œuvre est rurale, agricole, ou issue de l’immigration. La protection sociale est quasi inexistante, la Maison du Peuple, en accueillant les syndicats, devient un centre de résistance et d’échanges, pour ces hommes et ces femmes qui travaillent dur, dans les ateliers et usines.

Dès l’inauguration, la CGT y crée son Union Locale, sous l’impulsion de Louis Dupic. La fraternité et la solidarité qui y règnent, transforment le bâtiment en un vivier de revendications, mais aussi de réflexion, d’imagination, de laboratoires de réformes progressistes. Il ne s’agit pas de demander ou de réclamer, mais de créer d’autres rapports sociaux, un autre rapport au travail, une autre façon de penser le monde, pour le changer, l’améliorer. Comme le signalait Edgar Morin, l’idée de la résistance nécessite de trouver un cadre, une organisation, une structure.

En un sens, la Maison du Peuple a joué ce rôle fédérateur, aussi bien dans les usines des années 30, que dans le refus de la collaboration et de la France de Vichy.

Les murs de la Maison du Peuple ont enregistré et capté les tremblements de l’Histoire. Le Front Populaire, la guerre, la Résistance, le CNR, mai 68, entrent dans l’espace public, dans les débats et assemblées générales qui y sont organisés, permettant à la ville et aux travailleurs, de s’ouvrir au monde.

FO, la CFDT s’installeront à la Maison du Peuple dans les années 50-60, avant que ne se tienne, en 1966, l’assemblée constitutive de la Bourse du Travail. Maison des syndicats et maison de la culture, la grande réhabilitation de 1985 va donner naissance au Théâtre de Vénissieux, le balcon disparaît au profit d’un gradin. Quelques années plus tard, l’ancienne salle de bal sera réaménagée en Espace Arts Plastiques.

Notre Maison du Peuple est une maison de la continuité. L’esprit d’origine continue de nourrir l’esprit du présent. D’abord, parce que les syndicats y sont toujours présents, et que l’heure des conquêtes sociales n’a pas pris fin. Au contraire même, quand on voit les attaques du capitalisme financier contre l’héritage du CNR, contre la Sécurité Sociale ou les droits des salariés, on sait que c’est par la solidarité et le combat, qu’on sortira de ce modèle économique dévastateur.

Dévastateur pour les hommes, les femmes, les savoir-faire et le dialogue social, au cœur même des entreprises, détruit à coup de délocalisations, détruit à force de spéculation et de mépris des ressources humaines, et de l’outil de production. Mais sur le fond, l’esprit qui habite les murs de cette maison, depuis 80 ans, c’est celui de la résistance. Les écoliers qui venaient découvrir le cinéma éducatif, le siècle dernier, sont aujourd’hui les enfants de l’APASEV, ou encore les 4 458 scolaires venus assister à un spectacle, ici même, la saison dernière.

Résister au déterminisme social, résister à la sélection par l’argent, résister à la discrimination sociale, territoriale, résister dans le monde du travail, comme à travers la création : telle a été, telle est, et telle restera la Maison du Peuple, une résistance au pluriel, une résistance aux 1 000 visages, aux 1 000 voix. Car sous son toit se fabrique ce que nous avons de plus précieux : le lien social et le vivre ensemble. Elle a semé la volonté de justice sociale, et elle nous a légué cette capacité, si vénissiane, de ne jamais baisser les bras, de ne jamais nous résigner.

Sous Ennemond-Romand, élu maire en 1935, comme sous toutes les équipes municipales, qui se sont succédé depuis, la Maison du Peuple a tendu ses bras à ses habitants. En ce jour-anniversaire, nous ne pouvons lui souhaiter qu’une chose : qu’elle continue de le faire aussi bien, d’une génération à l’autre, pour Vénissieux et les Vénissians.

Je vous remercie et, après avoir ouvert un débat de résistance, là encore sur la Sécurité Sociale, je vous souhaite une très bonne projection du film « Les jours heureux » de Gilles Perret. Très bonne soirée.

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